Article

03 / 06 / 2015

DÉCISION DU CONSEIL D’ETAT : UNE NOUVELLE VIE POUR LES PRIMES D’EXPATRIATION ?

Partagez la ressource

Le Conseil d’Etat a censuré dans un arrêt du 10 avril 2015 l’interprétation restrictive donnée par l’administration fiscale des modalités de calcul du plafonnement de l’exonération des suppléments de rémunération de l’article 81 A II du CGI, communément appelées « Primes d’expatriation ». Cette décision ouvre des possibilités de réclamation au titre du passé, mais également de nouvelles perspectives au regard de l’utilisation de cet élément de rémunération.

L’article 81 A II du code général des impôts prévoit la possibilité pour les salariés (les mandataires sociaux sont exclus du bénéfice du régime depuis 2006) résidents fiscaux français qui perçoivent des suppléments de rémunération au titre de leurs déplacements à l’étranger au bénéfice de leur employeur de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu sur ces suppléments, sous réserve du respect de certaines conditions. Suite aux nombreux contentieux générés par la mise en place de ces primes, la loi de finances rectificative pour 2005 est venue encadrer plus précisément les conditions de leur exonération, en créant notamment un plafond au-delà duquel les suppléments de rémunération versés sont soumis à l’impôt sur le revenu comme traitements et salaires.

 

La loi n’impose à l’employeur aucun barème de calcul des primes, mais requiert que ces suppléments doivent être déterminés en tenant compte du nombre, de la durée et du lieu des séjours effectués à l’étranger. De plus, le texte de l’article 81 A II 3° prévoit que le montant des suppléments de rémunération ne peut pas excéder 40% de la rémunération versée aux salariés, compte non tenu des suppléments concernés. Les suppléments, ou à tout le moins leur mode de calcul, doivent être déterminés préalablement aux séjours du salarié à l’étranger, dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci.
L’administration fiscale avait considéré, dans un BOI du 6 avril 2006 désormais intégré au BOFIP, que le plafond d’exonération de 40% devait s’apprécier « en rapportant le montant de ladite rémunération [rémunération annuelle, fixe ou variable, versée au salarié, à l’exception des suppléments de rémunération attribués au titre des séjours effectués dans d’autres Etats que le France et que celui du lieu d’établissement de l’employeur] à la même période que celle au titre de laquelle est calculé le supplément de rémunération ».

 

L’exemple repris dans le BOFIP est particulièrement significatif :

 

Le salarié dont la rémunération annuelle de référence s’élève à 200 000 € et qui justifie de 100 jours d’activité à l’étranger sur une durée annuelle de 220 jours bénéficie suivant cette interprétation d’une enveloppe d’exonération plafonnée à 200.000 x 40% x 100/220 = 36 362 €.

Une application littérale du texte de l’article 81 A II conduirait à une enveloppe maximum d’exonération de 80 000 € (200 000 € x 40%), applicable par définition quel que soit le nombre de jours passés à l’étranger par le salarié bénéficiaire de la prime…

C’est cette interprétation littérale qui vient d’être retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt n° 365851 du 10 avril 2015. Les juges ont confirmé sur ce point que « le législateur avait entendu limiter le montant du revenu pouvant être exonéré pendant la période d’imposition à 40% de la rémunération, laquelle doit ainsi s’entendre comme correspondant au montant global de la rémunération hors suppléments versée au salarié pendant cette période, et non à celui de la seule rémunération perçue pendant la durée des séjours hors de France donnant lieu au versement de ces suppléments ».

 

Une telle décision emporte deux conséquences :

 

D’une part, les salariés ayant perçu des primes liées à leurs déplacements à l’étranger dont une partie aurait été réintégrée à leurs revenus imposables comme dépassant le plafond de 40% calculé en application de la méthode de l’administration fiscale ont la possibilité de déposer une réclamation auprès de l’administration fiscale jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l’imposition des revenus (à titre d’exemple, pour une prime perçue en 2013, la réclamation est possible jusqu’au 31 décembre 2016) en vue d’obtenir le remboursement de l’impôt sur le revenu calculé sur la partie de la prime dépassant ce plafond1; cette possibilité devrait plus particulièrement présenter un intérêt pour les salariés ayant passé peu de temps à l’étranger au cours des années concernées, le plafond d’exonération étant sensiblement plus réduit dans ces hypothèses. Les revenus concernés par les possibles réclamations sont ceux des années 2012 et 2013. En ce qui concerne les revenus de 2014, il est encore possible d’effectuer la correction directement sur la déclaration des revenus, dès lors que la date limite de dépôt de celle-ci est fixée au 19 mai 2015;

 

1 – Attention toutefois, le montant exonéré de la prime est pris en compte pour le calcul du taux effectif d’imposition du salarié concerné.

Une question, besoin d’aide ou plus d’informations ?

Faites-nous signe et nous vous répondrons dans les plus brefs délais !