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31 / 05 / 2016

Rémunération des dirigeants sociaux où en est-on ?

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L’émoi provoqué récemment par la publication de la rémunération de certains dirigeants de grands groupes français est l’occasion de faire le point sur les évolutions de la réglementation relative aux rémunérations des dirigeants sociaux et de rappeler la répartition des pouvoirs prévue par le Code de commerce français en la matière.

Le 29 avril 2016, lors de l’assemblée générale annuelle du groupe Renault, les actionnaires ont été appelés, comme le prévoit le code de gouvernance AFEP-MEDEF, à donner leur avis consultatif sur le package de rémunération attribué au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2015 au Président Directeur Général de la société, M. Carlos Ghosn. Pour la première fois depuis la mise en place de cette pratique du « Say on Pay », un avis négatif a été rendu par 54,12% des actionnaires, suscitant une vague de réactions, tant dans le monde des entreprises qu’au niveau politique.

A la suite des déclarations du gouvernement, menaçant de légiférer sur le sujet si aucune mesure n’était prise par les entreprises, l’AFEP et le MEDEF ont publié un communiqué de presse commun, le 20 mai 2016, annonçant une révision majeure de Code de Gouvernance des entreprises pour septembre 2016, dont la mesure principale serait de rendre « impératif » le Say on Pay. Plusieurs questions se posent à ce titre : comment mettre en œuvre une telle mesure dans l’état actuel de la réglementation ? Quelles sont aujourd’hui les possibilités de contrôle de la rémunération des dirigeants sociaux offertes par les textes ?

Le Code AFEP MEDEF et les principes de droit des sociétés : compétence exclusive du Conseil d’administration

 

Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que le Code de Gouvernance des entreprises publié par l’AFEP et le MEDEF ne fait que compléter, sans caractère obligatoire, les dispositions du Code de commerce qui seules présentent un caractère contraignant pour les entreprises françaises.

En application du Code de commerce, c’est le Conseil d’administration (ou de Surveillance) qui dispose du pouvoir exclusif de détermination de la rémunération des mandataires sociaux dirigeants dans les Sociétés Anonymes, c’est-à-dire du Président du Conseil d’administration, du Directeur Général, des Directeurs Généraux Délégués, du Président du Conseil de Surveillance et des membres du Directoire. Le Comité des Rémunérations, que l’on retrouve dans le Code de Gouvernance, a pour seule mission de permettre de placer le Conseil d’administration ou de surveillance dans les meilleurs conditions pour déterminer l’ensemble des rémunérations et avantages des dirigeants mandataires sociaux. En aucun cas le Comité des rémunérations ne peut prendre de décision quelconque sur les rémunérations, même en cas de ratification par le Conseil d’administration.

Par ailleurs, la détermination de la rémunération est par principe exclue de la procédure des conventions réglementées, qui permet pour les conventions conclues entre la société et ses dirigeants sortant du cadre des conventions conclues à des conditions normales, une information renforcée des actionnaires par la production d’un rapport spécial des commissaires aux comptes et l’approbation de l’assemblée. Seules les rémunérations différées, notamment les indemnités de départ ou les régimes de retraite dont les dirigeants sont susceptibles de bénéficier relèvent de cette procédure, renforcée à plusieurs reprises pour les sociétés cotées.

Le Conseil d’administration est donc, sous réserve du cas particulier des rémunérations différées, seul décisionnaire et responsable de la fixation de la rémunération des dirigeants.

Quels moyens de contrôle pour les actionnaires ?

 

La législation française prévoit de nombreuses modalités d’information des actionnaires sur la rémunération des dirigeants sociaux :

  • Toutes les sociétés anonymes doivent fournir, à tout actionnaire qui en ferait la demande, le montant global des rémunérations versées aux cinq ou dix personnes les mieux rémunérées de l’entreprise ; le montant fourni, certifié par les Commissaires aux Comptes, relève de la responsabilité du Conseil d’administration ;
  • Le montant global des rémunérations allouées aux membres des organes d’administration, de direction et de surveillance de la société figure dans l’annexe aux comptes annuels ;
  • Par ailleurs, les sociétés cotées ont l’obligation de faire figurer dans le rapport de gestion présenté à l’assemblée générale annuelle des éléments détaillés sur tous les éléments de rémunération versés aux mandataires sociaux, dans le cadre de leur mandat, d’un contrat de travail ou d’un contrat de services. Néanmoins, si l’absence de rapport de gestion entraîne la nullité de l’assemblée, l’absence d’informations sur la rémunération des dirigeants n’est pas sanctionnée spécifiquement par le Code de commerce.

Les actionnaires n’ont toutefois pas la possibilité d’agir directement au titre des informations dont ils disposent en matière de rémunération, excepté dans les cas où ces informations mettent en lumière un potentiel abus des biens sociaux, du crédit de la société, un abus de pouvoir ou encore des fautes de gestion commises par le dirigeant concerné.

Rendre impératif le Say on Pay ?

 

À ce jour, les actionnaires se prononcent, dans le cadre du « Say on Pay », sur la rémunération attribuée aux dirigeants sociaux au titre de l’exercice clos, c’est-à-dire après la décision du Conseil d’administration. Leur vote n’est que consultatif, et la version actuelle du Code de Gouvernance prévoit : «lorsque l’assemblée générale ordinaire émet un avis négatif, le conseil, sur avis du comité des rémunérations, délibère sur ce sujet lors d’une prochaine séance et publie immédiatement sur le site internet de la société un communiqué mentionnant les suites qu’il entend donner aux attentes exprimées par les actionnaires lors de l’assemblée générale».

La volonté de l’AFEP et du MEDEF est de rendre le « Say on Pay » impératif, contraignant « le conseil d’administration à statuer sur les modifications à apporter à la rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos ou à la politique de rémunération future ».

A ce jour, le « Say on Pay » n’est contraignant que dans quelques pays tels que les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l’Italie dans certains cas. Le point crucial reste toutefois le contenu de cette contrainte, plus que le caractère contraignant lui-même.

En tout état de cause, même si le vote des actionnaires devient impératif, le Conseil d’administration reste à ce jour seul maître de ses décisions sur la rémunération des dirigeants, sauf à bouleverser l’équilibre des pouvoirs prévu par le droit des sociétés français.

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